Il y a certains jeux qui vous marquent une vie. Metal Gear Solid pour les uns, Final Fantasy VII pour les autres, Fortnite pour les plus jeunes… Le mien, ce fut Shenmue II. Suite du chef-d’œuvre de Yu Suzuki, on poursuivait la quête vengeresse du jeune Ryo Hazuki parti pour la Chine sur les traces de l’assassin de son père.
D’abord sorti sur Dreamcast en 2001, à la fois porte-étendard et fossoyeur de cette dernière, Shenmue II eut droit il y a quelques années à un portage moderne, vendu en duo avec le premier épisode afin de préparer au mieux l’arrivée du trop longtemps attendu troisième opus. C’est sur cette édition que je vous propose de revenir – et plus exactement sur la version PS4.
HONG KONG
Quand on demande aux joueurs de la Saga Shenmue quel est leur épisode préféré, beaucoup répondent le premier. Pour l’effet de surprise face à un titre hors normes, pour cette incursion dans ce quotidien japonais plus vrai que nature, pour ses relations de personnages ultra-soignées, pour son ambiance sereine et posée.
Et tout cela est vrai et je fus moi-même totalement bluffé par cette aventure à nulle autre pareille. Mais bien que le choc face à cette découverte fût énorme elle ne fut rien quand je découvris Hong Kong dans Shenmue II.
Ryo débarque à Hong Kong. Dépaysement total.
J’en restais littéralement bouche bée. Je n’avais jamais connu – et je pense ne connaîtrais jamais plus – cette sensation immense de totale exploration d’une ville inconnue (dans le jeu vidéo du moins). Nous étions avec Ryo, marchant à tâtons dans cette cité tentaculaire, éblouis par tout ce qui nous entourait : des stands à foison, des passants partout, du bruit permanent, un brouhaha de paroles incompréhensibles… tout cela renforcé par le fait qu’à l’époque le jeu était uniquement en japonais sous-titré anglais, ce qui ne fit qu’accroître ce coté ‘étrange‘ et pittoresque.
Je n’ai aucune honte à dire que ma première partie de Shenmue II fut un voyage absolu dans l’abscons et l’incompréhension, mais en fut par là même d’autant plus fascinante à faire. Jouer à Shenmue II, c’était partir en voyage au bout du monde tout en restant dans mon salon.
J’en garde un souvenir puissant, le plus puissant que m’ait jamais procuré le médium vidéoludique. Si on me demandait quel est mon épisode préféré de Shenmue, je vous répondrais sans la moindre hésitation le deux, et plus particulièrement le chapitre 3, Hong Kong. Je resterai éternellement baba devant une telle avancée, une telle vision sur l’avenir que représentait cet OVNI à l’époque…
Une ambiance unique
Depuis de l’eau à couler sous les ponts et lorsque je relance une énième partie – cette fois sur le remaster PS4 – je connais par cœur les différents quartiers et autres ruelles malfamées de la ville britannique (Oui, nous sommes 10 ans avant la rétrocession à la Chine). Je parcours le jeu en choisissant avec soin mes actions, à qui et comment poser mes questions. Le temps de la surprise et de l’émerveillement est révolu mais c’est toujours avec plaisir que nous nous retrouvons pour partager ensemble un chouette moment.
Très bien tout cela mais qu’apporte concrètement cette nouvelle édition du jeu?
Déjà, il s’agit d’un portage de la version XBOX et non pas Dreamcast. J’ai vaguement eu l’occasion de voir vite fait cette version à l’époque mais sans l’opportunité de pouvoir m’y plonger pleinement. Cette fois-ci j’y ai donc pleinement accès et j’en tire plusieurs constats.
Tout d’abord, l’eau de la baie hongkongaise version SEGA et Microsoft ne rendent pas du tout le même effet. Cela n’a l’air de rien mais c’est ce qui m’a le plus sauté aux yeux.
Le rendu de l’eau entre Dreamcast et Xbox…
Ensuite l’ajout de filtres est un petit bonus sympathique mais qui dans les faits ne sert pas à grand-chose (exceptions faites du mode ‘Rude’ que j’aime beaucoup et du N&B qui donne une belle allure à certaines séquences).
Le plus gros ajout de cette édition X-boîte reste à mon humble avis ce mode photo qui permet à Ryo de garder trace de son périple. Alors effectivement cette fonction fait désormais doublon avec la fonction capture d’écran de la PS4mais ce n’est qu’un détail sans grande importance. Plus important à retenir, un carnet de voyage sera à compléter avec des portraits bien spécifiques afin de débloquer quelques bonus sous forme d’histoire courte format BD. On découvrira d’ailleurs via celles-ci le fameux passage coupé qui devait prendre place sur le paquebot menant Ryo de Yokosuka à HK.
En Noir et Blanc, Ryo se baladant dans un tripot
Pour ce qui est des ajouts spécifiques de cette remasterisation, outre quelques réglages d’ergonomie et des menus revus de fond en comble, le plus notable c’est bien entendu l’arrivée tant attendue des sous-titrages français. Enfin j’ai pu capter les dialogues au-delà de l’à-peu-près! Ça fait vraiment plaisir et cela rend vraiment les choses bien plus simples.
En ce qui concerne les voix ce fut Full English pour ma part, ce qui est le plus vraisemblable quand on se trouve à Hong Kong. Le plus dingue c’est qu’en fait je n’ai pas vraiment de souvenir de la version japonaise sur Dreamcast, seule langue qui était disponible pour nous petits français à l’époque (sur le 2, le 1 lui était en anglais). Désormais à vous de faire votre choix pour ce qui est des doublages entre Anglais et Japonais.
Japonais comme anglais je ne comprends rien à ce qu’ils racontent alors de toute façon…
Alors oui, graphiquement Shenmue II est moins poussé que le I. On le voit principalement sur les PNJ, bien moins détaillés que ceux de Dobuita (notamment les mains). Mais cela se relativise grandement quand on voit l’ampleur de l’espace de jeu, au bas mot 15 à 20 fois plus large. Si ce n’est plus…
Quant au gameplay proprement dit, je vous renvoie sur le test du 1, qui résume parfaitement tout ce qu’il y a à savoir de ce côté-là. La suite proposera sensiblement la même jouabilité, améliorant principalement par petites touches quelques mécaniques existantes sans rien révolutionner. En même temps, Shenmue était EN SOI une révolution…
Dans Shenmue, bien avant Red Dead Redemption 2, TOUS les personnages étaient uniques !
Pour en revenir au remaster, nulle refonte graphique ou amélioration du gameplay, les deux titres sont dans leur jus. On pourra ergoter des heures sur le pourquoi du comment, que non ce ne sont pas des remakes et sur le fait que vue depuis notre époque ils offrent une expérience assez vieillotte qui aurait mérité une reprise complète mais c’est comme ça et pas autrement. Et pour ma part je trouve cela très bien qu’il n’aient pas été retouchés de fond en comble, les préférant de loin ainsi.
Redécouvrir Hong Kong en compagnie de Ryo n’est certes plus aussi dépaysant qu’il y a 20 ans mais l’expérience demeure pourtant toujours aussi immersive. Au-delà de nos nombreuses rencontres avec des personnages secondaires marquants, on se concentre de plus en plus sur les détails de l’environnement, sur la routine des habitants, sur les interactions avec certains PNJ dont on se rend compte qu’elles sont bien plus nombreuses qu’on ne le croit. On repousse les limites de nos connaissances sur ce qu’est Shenmue II.
On en profite pour cette fois-ci aller au bout de cette étrange quête des trois médailles, qui nous verra fêter l’anniversaire de Fangmei la jeune servante ou bien entrer en possession d’un canard un peu trop vantard. Et si on a énormément de chance, on pourrait même croiser un pingouin pas manchot…
Un animal de compagnie qui nous en bouche un coin !
KOWLOON
Le chapitre de Kowloon fut le passage le plus difficile lors de ma première épopée Shenmuesque. Je redoutais donc de le refaire mais à ma grande surprise je ne rencontrai pas grande résistance. Les combats autrefois ardus contre Dou Niu et le type étrange au sous-sol furent d’une déconcertante facilité dans cette dernière partie en date. Je ne sais pas si c’est moi mais j’ai l’impression que le jeu réagit quand même plus vite sur PS4 que sur Dreamcast. En tout cas la manette est bien plus ergonomique, c’est certain !
Par contre notre bon japonais à toujours autant de mal à tourner, le déplacement à la croix ce n’est plus possible désormais ! Faut lui installer la direction assistée à notre bonhomme au blouson de cuir !
Notre héros arrive à Kowloon, la citadelle la plus dangereuse au monde (véridique)
De nombreux QTE et Freeze QTE parsèment l’ensemble de l’aventure. Et bien que pour la plupart en soi je m’en suis pas mal sorti il y eut deux ou trois épreuves qui m’ont donné plus de fil à retordre. On retrouve à travers ces scènes très intenses une grosse ambiance des films de Kung-fu des années 70, avec bastons à foison et scènes d’action épiques, qui ponctuent fabuleusement ces chapitres hongkongais.
De nombreux combats de rue sont disponibles dans la Citadelle de Kowloon, avec pour chacun d’entre eux une particularité qui vont permettre à Ryo de se perfectionner dans tel ou tel domaine. Comme les chopes contre le trio de guerriers mongols, ou bien les esquives sur ce combattant rapide comme l’éclair. D’autres ne seront vaincus qu’au travers d’un QTE qui avec chaque nouvelle victoire devient de plus en plus complexe. Parvenir à vaincre tous les adversaires et à relever tous leurs challenges ne sera pas chose aisée, loin de là.
On trouve aussi énormément de «jeux de rues», comme les lancés de Dé (beaucoup trop hasardeux mais dont les asiatiques raffolent) et des affrontements de bras-de-fer. Des épreuves auxquelles je n’ai jamais été doué. Je me retrouve bien plus dans les jeux de fléchettes et les collections quasi-interminables de gashapons (avec beaucoup de licence SEGA disponible, de Sonic bien sûr à 18 Wheeler en passant par Virtua Fighter).
Le photo-réalisme fonctionne toujours autant…
Ryo pour gagner son pécule devra bien sûr travailler. Des petits boulots comme docker ou animateur de stand «Lucky Hit» (jeux de billes préfigurant les futurs pachinkos qui seront d’ailleurs présents dans le III). Cette fois l’argent aura une utilité au-delà de l’achat d’objets purement gadgets car il servira à payer nos nuits d’hôtel.
L’exploration des différents environnements est toujours aussi folle, chaque décor étant rempli à ras bord de détails à en faire tourner la tête. Et il faut bien avouer que le fait que les écrans de chargement soient désormais quasi-inexistants – à la limite ils sont devenus des écrans de transition – renforce d’autant plus l’immersion dans ces quartiers foisonnant de vie. Quand je pense que j’avais pris le temps à l’époque de fouiller l’intégralité de tous les appartements de toutes les cartes (et tout cela pour rien…).
Une atmosphère très singulière se dégage du chapitre à Kowloon
Au moment de quitter Kowloon – le ‘pire quartier du monde‘ – Ryo a beaucoup évolué. Tant sur le point physique que moral. Sa quête de vengeance se mue petit à petit en quête de vérité (sur son Père, sur les miroirs…). Pour le joueur se fut également un chapitre éprouvant, rempli d’action dans une atmosphère qui donne le tournis. Un régal.
GUILIN
Après le bruit de Hong Kong et la fureur de Kowloon, quel contraste quand on débarque dans le petit village paisible de Langhuishan. La surpopulation est loin derrière nous et seuls quelques habitants et leurs enfants peuvent nous renseigner sur la route à suivre (en vérité il n’y en à qu’une a emprunter)
L’entièreté de ce chapitre constituera de fait une balade champêtre en compagnie de Shenhua, pour atteindre son village de Bailu. Quel calme et quelle volupté après la rudesse et les dangers des épisodes précédents. Le dépaysement est total tant au niveau des décors que des sens.
L’intégralité du chapitre 5 de Shenmue, par votre serviteur. C’est cadeau.
Les QTE eux-mêmes deviennent plus fluides, plus agréables. Fini le son strident et abrupt des affrontements contre les malfrats, place au bruit harmonieux et encourageant des courses d’obstacles naturels (voir à partir de 36:50 sur la vidéo plus haut). Fini les tours crasseuses et les rues mal famées, place à la nature verdoyante et ses merveilles colorées.
Peu connaissent l’existence même de ce chapitre quand on leur parle de la saga. Certaines captures d’écran doivent en étonner plus d’un. Mais c’est bien ainsi, au milieu des montagnes chinoises que se termine le périple de Ryo. Loin du tumulte et des arts martiaux, au beau milieu d’une campagne bucolique entourée d’une aura de mystère.
C’est là que le jeune japonais fera la découverte d’un arbre majestueux que l’on nomme Shenmue.
On arrive quelque part…
Qu’il est agréable lors des longues balades en compagnie de Shenhua d’enfin comprendre les LOOOOOOOoooongues phases de dialogue qui constellent ce chapitre. Enfin on pige les menus détails, les références, les événements à venir… comme au sujet de cette vieille dame du village qui apparemment en connaît un rayon sur les légendes du coin. Une dame que la jeune chinoise nous fera rencontrer le lendemain…
Cela prendra plus de temps que prévu…